04 Mai

Ha !!! Vous pensiez que je n’avais pas vu le dernier film de Wes Anderson ?! Hommes de peu de fois… J’ai même le grand plaisir de voir L’île aux chiens lors de Festival National du Film d’Animation de Rennes. Pour être honnête je l’ai même préféré à la premiere incursion du réalisateur qu’était Fantastic Mister Fox. Me contenter de faire une critique n’aurait pas suffit à mettre en lumière le sublime travail technique accompli. Interview exclusive de Benoit Polveche, sculture, ayant travailler sur la conception des marionnettes sur l’île aux Chiens ainsi que Ma vie de Courgette mais également comme rigger sur ce dernier. Je vous laisse découvrir son travail dans l’atelier Ergone qu’il partage avec Christine Polis.  Noter que le Musée miniature et cinéma de Lyon exposera les décors en 2019.

The Daily Puppet : Benoit, tu as fait partie de l’équipe de conception de marionnette sur le dernier film de Wes Anderson : L’Ile aux chiens et tu as aussi participé a « Ma vie de Courgette » sur la réalisation des marionnettes et comme riggeur au tournage

The Daily Puppet : Tes scuptures ont une esthétique à mi chemin entre le steampunk et Giger ? Est ce que je me trompe ? Quelles sont tes principales influences ?
Justement comment abordes tu ton travail lorsque tu dois concrétiser la vision d’un autre ?

Benoit Polveche : En effet, mon travail personnel est souvent apparenté à cette veine, cependant, je recherche quelques chose qui est plus orienté vers un art-nouveau fantastique. Je m’inspire essentiellement des formes de la nature, que ce soit les végétaux, les os, les insectes, les mollusques… et je mélange ces différents phylum pour trouver de nouvelles formes.
Pour les travaux de commande, que ce soit aux décors de l’opéra ou sur la conception de marionnettes, les choses sont bien différentes : ce sont mes qualités techniques qui sont alors demandées, c’est un très bon exercice de l’égo pour un artiste de mettre sa personnalité de coté (même si elle ressort toujours). D’autant plus qu’en stop-motion je m’occupe de parties qui ne seront pas vue à l’écran : les squelettes des poupées, recouvertes par les vêtements, les mousses latex ou silicones et les rigs, qui seront soit cachés au shooting, soit effacés en post production.

TDP : Est ce que tu avais imaginé en commençant à sculpter en métal te retrouver un jour à faire de figurines de film d’animation ?

BP : En fait, je faisait mes études à Rennes quand j’ai commencé à travailler le métal, et à l’époque il y a eu la première formation donnée par Lazennec-anim. Malheureusement, j’ai un peut raté le coche et n’y ai pas participé. C’est assés drôle de voir comment plus de 20 ans après les choses se rejoignent.
Quelques années plus tard, j’ai fait la grande sculpture de femme qui à servie au premier album « Biomechanic » de Manu le Malin. Cette pièce avait un potentiel d’animation et c’est par elle que j’ai rencontré ma compagne Christine Polis sur le film « Anthropeau », un documentaire expérimental sur mon travail. Christine était alors animatrice puis est devenu puppet-maker. C’est donc bien grâce à elle que j’en suis venu à faire aussi des poupées et du rig. Avec mes connaissances du métal, les choses se sont faites naturellement, ce qui nous permet maintenant de pouvoir mener des projets conjointement.

TDP : Comment s’est faite la rencontre avec l’équipe des deux films ?

BP : Sur Courgette, c’est la chef anim, Kim Keukeulere qui nous à contacté pour faire les armatures des marionnettes ainsi que le rig et l’hôpital des poupées. Nous avons donc passé d’abord trois mois à coté de Genève chez Gregory Brossart pour faire les poupées, en suite 10 mois à Lyon pour le tournage.
Sur IOD, Christine connaissait déjà Andy Gent, le chef puppet, avec qui elle avait travaillé sur Max & Co, en Suisse. Elle lui à téléphoné après Courgette pour discuter hôpital de poupées et c’est à ce moment qu’il nous a proposé de rejoindre son équipe à Londres. Nous avons donc eu la chance de baigner pendant 14 mois dans une équipe de technicien chevronnés à l’anim comme on en trouve qu’en Angleterre, l’ambiance était magnifique et nous y avons beaucoup appris.


TDP : Est ce qu’il y a eut des différences entre les deux tournages ? De problématiques ? Des moyens techniques ?

BP : Oui, d’abord une trés grande différence de budget, ce qui influe sur toutes les étapes de la fabrication et du tournage. Courgette était une toute petite équipe, 50 personnes alors que c’est à peine le nombre de personnes sur la fabrication des poupées du Wes Anderson, qui à compris 750 intervenants pour l’ensemble du film.
Mais sur le Wes, j’étais à la fabrication des marionnettes qui était séparée du tournage, alors j’ai un peut de difficultés pour répondre à cette question.

TDP : Concrètement en quoi ça consiste de faire un rig et comment tu t’y prends ?

BP : Le rig est une partie technique du tournage en stop-motion méconnue du publique car invisible à l’image.
Ce sont des systèmes extérieurs à la marionnette destinés à faciliter et souvent rendre possible le travail de l’animateur et qui ont en gros deux grandes fonctions : faire que ca ne bouge pas, et faire que ca bouge.
Parceque les éléments animés sont touchés par l’animateur à chaque image il faux faire en sorte que ca ne vibre pas à l’image : par exemple,  une marionnette assise devra être « rigger » sur son siège. Il y alors plusieurs méthode selon le cadre, l’angle de la camera, la lumiére. Si il y a un coussin ou une suspension sur le siège, il faudra créer un système pour donner l’illusion de l’apesanteur. Si le personnage tient un objet en main cet objet sera vissé dans la main, ainsi l’animateur ne devra pas se soucier de l’effet de tenu et pourra se consacrer à l’animation elle-même.
L’autre grande fonction du rig est de permettre a des objets, ou des marionnette de par exemple voler. Comme on est en image par image, l’objet doit pouvoir tenir suspendu précisément à la position choisi à chaque image.
Il y a donc un premier travail en atelier pour préparer les rigs. Le riggeur travail toujours avec le planning et l’animatique sous les yeux pour planifier ses journées. selon les plans qui arrivent les jours a venir, et quand il n’est pas en installation sur les plateaux de tournage, il pourra expérimenter et fabriquer les mécaniques et être ainsi réactif quand on l’appellera sur un plateau pour l’installation. Il pourra alors y avoir des imprévus de lumière ou de changement de cadre et il faudra qu’il puisse réagir rapidement pour adapter ou changer son système de rig, car la règle en rigging sera de penser et placer le rig pour qu’il soit invisible à l’image, si cela n’est pas possible alors il sera effacé en post-production, pour ce faire : le rig ne doit jamais passer devant un objet animé, et l’ombre du rig ne doit jamais passer sur un objet animé.
C’est un post essentiel est trés intéressant sur le tournage, qui peut faire gagner beaucoup de temps à l’animateur. On est toujours à faire travailler son cerveau tout en fabriquant de jolis petits systèmes mécanique. En plus, on est en contact direct avec le réalisateur, l’animateur, le chef opérateur, le set dresseur, l’hopital de poupée et on travail en cohésion avec toute cette équipe.

TDP : Quelle est la méthode de Wes Anderson pour vous transmettre ses idées ?

BP : Contrairement à Courgette, je n’étais pas sur IOD en contact direct avec le tournage. La fabrication des poupées se faisait dans les ateliers d’Andy Gent, Arch Model Studio Ltd, qui est à 3km du lieu de tournage, 3 Miles Studio. Sur ce genre de grosse prod, les informations passent par un système hiérarchisé pour des raisons de cohésion et d’organisation. Donc au niveau des poupées, l’information tombe d’abord chez Andy qui s’adresse alors au chef de post, pour les armatures, Josy Coben, qui réparti en suite le travail selon les urgences sur son équipe. En armature, nous étions 8, le studio de poupée comprenait 50 personnes.
Ce que je sais du tournage est que Wes n’est pas en personne sur les lieux mais il gère tout à distance par internet. C’est exactement ce que permet la technique de stop-motion qui est un processus très long avec beaucoup d’étapes et des temps de réaction différent du tournage « live ». Les plans sont déterminés en amont par l’animatique qui est un storyboard animé, sur une timeline avec déjà le son et les dialogues donnant le rythme, Wes valide chaque étape de la fabrication des décors, des props, des poupées, des costumes…. il fait les mimes, valide le set dressing, les cadres, la lumière, les blocs et enfin les plans, tous cela à distance. Je suppose que cela lui permet de rester extérieur aux contingences humaines et matérielles et de pouvoir rester focalisé sur l’image et son idée du résultat, chose qu’il ne peut sans doute pas se permettre quand il doit faire le cadre et la direction d’acteur en live.

TDP : Alors ça fait quel effet de voir toutes ces petites choses que l’on a fabriqué avec amour pendant des heures, parfois, finalement s’animer sur grand écran ?

BP : Et bien c’est toujours l’ensemble du film qu’on regarde et le résultat final, et surtout, que ce soit en rig ou en armature, mon travail reste invisible. Le grand plaisir c’est de voir le fruit de tant de petites mains et de talents différents réunis sur un même objet. Il n’y a pas de qui à fait quoi, mais tout et fondu dans un bon moment. C’est trés visible sur Isle of Dogs où on sent que chaque corps de métier à reçu les moyens de faire le travail avec autant d’exigence pour sa partie que le réalisateur envers le produit final.

TDP : Quels sont tes futurs projets ?

BP : Pour le moment, surtout s’occuper de l’aménagement de notre nouvel atelier (ergone.be) qui est destiné à nos sculptures, et à la fabrication de marionnettes. Des projets de sculptures aussi, bien sur, des interventions en sculpture à l’opéra de Bruxelles qui ne saurai tarder à tomber.. Il y a en suite au moins deux projets de longs métrages français en pré-production, mais pour le moment, nous ne pouvons rien en dire. Se sont des métiers où souvent on ne sait pas où on sera deux mois à l’avance..

TDP : Merci beaucoup Benoit 🙂

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